Si je souhaite agir différemment (autres ressentis, émotions, pensées, comportements), voir et faire les choses autrement me parait indispensable.
Si je ne change rien, je produirai des situations identiques à celles du départ.
« La folie est de toujours se comporter de la même manière et de s’attendre à un résultat différent« . Albert Einstein
En voyant bon nombre d’articles, nous pouvons lire : il ne faut pas faire ceci ou cela, il faut faire ceci ou cela, éviter ceci ou cela… La période est difficile, inattendue, on parle de doutes de suppositions, d’avenir mais…
Pour la première fois en tant qu’athlète ou personne : « j’ai le temps » de travailler sur moi sans pression temporelle, de résultat, d’enjeu, de sélection. J’ai le temps de prendre le temps (même si cela fait peur, il y a tellement à potentialiser durant cette période) afin de construire, avec de l’aide ou non, mes axes d’évolution et d’intégration de nouvelles « lignes de codes cognitives », d’un nouveau réseau de connexions synaptiques°, bref de façon de penser et donc d’agir et vice et versa.
C’est-à-dire, de manière imagée, développer le réseau de communication de mon système nerveux. (En d’autres mots passer de la 2G à la 5G interne!!!)
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Voici une métaphore afin d’expliquer mes propos :
- Si je pose mes « valises pleines » au début de cette période, lorsque je les reprendrai je ne pourrai utiliser uniquement ce que j’ai laissé dans ma valise et rien n’aura changé ou si peu, si ce n’est le degré « d’humidité » qui correspondra à l’anxiété / incertitude liée à la reprise
- Si je prends le temps de changer le contenu de ma valise ainsi que de garder les vêtements qui me plaisent, je pourrais choisir de « m’habiller comme je veux » lors de la reprise et avoir d’autres choix possibles
L’humidité correspond en termes d’image à toute l’anxiété, culpabilité, stockée (durant cette période) dans la valise si elle n’a pas été ouverte et à toute celle qui sera engendrée par la reprise si aucun travail n’a été effectué.
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Fréquemment, lors de situations imprévues émotionnellement fortes ou « pressurisantes », le cerveau reptilien peut enclencher un de nos 3 comportements de base qui sont, le fuite, l’inhibition ou l’agression, que l’on pourrait traduire ici, comme l’évitement, le laisser faire ou le déni et la suractivité inadaptée.
A l’origine, dans le monde sauvage, le stress est un mécanisme qui permet d’assurer la survie individuelle. Il y a en fait 3 stress, ou 3 modalités de stress: La fuite, la lutte et l’inhibition. Les 3 stress sont pilotés par l’hypothalamus qui est une partie primitive du cerveau, et ces 3 comportements sont donc partagés par la plupart des animaux, dont l’humain. (J FRADIN)
Le postulat de départ est donc de faire un état des lieux grâce à l’aide d’un « body scan » et « mental scan* » hors jugement de mon équilibre physique et mental comme point de départ. Je pose la synthèse du Scan sur un papier ou sur ordi simplement, pour y revenir ensuite. Je peux y associer une musique, une image, un personnage de pâte à modeler ou un dessin que je façonne en fonction de ce constat de base. (Ce petit travail en lien avec les canaux sensoriels appelés VAKOG)** https://www.youtube.com/watch?v=amJoA_fPe2U
Une fois le scan fait, je vais me poser quelques questions, parmi ces exemples, afin de définir des objectifs clairs de changement. Car ce dont je suis persuadé, c’est de profiter de cette période pour remplir « ma valise ».
- Qu’est-ce que je veux exactement pour moi ?
- Qui je veux être comme personne, comme athlète ? (par exemple, comment je veux réagir face à telle ou telle situation ? quoi mettre en place pour être efficace ? Qu’est-ce que je veux penser de moi si je me regardais ?…)
- Quelles ressources ai-je et lesquelles ai-je envie d’avoir pour atteindre mon rêve ou mes objectifs ?
- Qu’est-ce que je ne veux plus ?
- Qu’est-ce que je ne veux plus voir se produire ?
- Comment ai-je évolué (ou pas) depuis le début du confinement ?
- Qu’ai-je développé pour aller vers une évolution de moi-même ?
- Comment je veux agir à la fin de cette période dont je ne connais pas la fin exactement ?
- Comment je peux utiliser chaque instant pour me poser en conscience ou pour travailler sur ce que je ne prends pas assez le temps de travailler habituellement ou que je n’ai jamais osé travailler?
L’idéal est de faire ce travail de manière accompagnée, mais il peut bien évidemment se faire de manière autonome.
Après avoir répondu aux questions (toutes ou parties) que l’on a choisies, telles quelles ou modifiées, je vous conseille de concrétiser ou matérialiser les objectifs recherchés en y associant une musique, une image, une sculpture en pâte à modeler ou un dessin qui représenteront l’état ou le fonctionnement, ou le comportement recherché.
Ces associations vous permettront de définir et d’avoir une vision claire de vos axes d’évolutions et de mettre les moyens correspondant en place.
Pour rendre plus concret cette anamnèse, vous pouvez utiliser le principe des cartes heuristiques ou « Mind Map » (dessinées ou dématérialisées) qui permettent d’avoir une vision claire entre l’objectif à atteindre et le chemin pour y parvenir***.
Pour cela voici un exemple d’entraînement mental à base d’imagerie° mentale accompagné, et effectué avec un escrimeur pour travailler sur des situations problèmes vécues antérieurement. L’athlète s’est fixé entre autre comme objectif d’être plus efficace dans les situations de difficultés émotionnelles. Après avoir mis en place le protocole de relaxation préalable pour travailler en Imagerie, l’athlète se plonge mentalement dans le début de ce match problématique.
°L’activité d’imagerie est une expérience symbolique, qui réfère à des processus mentaux mais qui peut renvoyer à n’importe quel registre sensoriel.» (Hardy et Jones, 1994). La représentation mentale d’un mouvement et son exécution réelle activent des structures cérébrales communes (e.g. Decety et al., 1994 ; Gerardin et al., 2000 ; Lotze & Halsband, 2006) et s’accompagnent de modifications physiologiques et psychologiques périphériques comparables (e.g. Decety et al., 1991 ; Guillot & Collet 2005b),
- Contexte originel: lors d’une compétition internationale
– Juste avant d’entrer sur la piste en match de tableau, je suis inquiet quant au déroulé du match. J’ai peur de l’issue du match, je n’ai pas bien tiré en poule je suis inquiet, je me sens tendu et crispé….
Description résumée des ressentis et images du sportif :
Je suis à l’intérieur de moi, je suis juste avant de rentrer sur la piste
Je suis debout, je trépigne, je suis tendu, je me projette dans le match. Je vois l’adversaire et je suis centré sur lui,
Je me dirige vers la piste, je mets mon masque et je me branche, je me demande ce que l’adversaire va faire, je me sens lourd
En garde, prêt, aller, je suis spectateur, je n’arrive pas à prendre de décision, c’est l’adversaire qui fait tout, j’attends et je prends la touche….
A ce moment il est proposé à l’athlète de faire un stop et de rembobiner au départ. On enclenche le film en introduisant des situations travaillées au préalable.
Résumé :
- Tu t’assieds, tu te poses, tu respires, à chaque expiration, tu acceptes de te détendre et tu t’ancres dans le moment comme à l’entrainement. Tu vas chercher dans ton esprit, ton jeu, ton rythme, ta distance, tes points forts. Que ressens-tu ? Que vois-tu? …
(Je suis posé et je suis centré sur ce que je sais faire. Je suis dans le moment)
- Tu montes sur la piste (masque et branchement) Que ressens-tu? Que vois-tu?
(Je prends le temps et je choisis une action, je suis le patron, je vais l’amener dans ma distance…)
- En garde, prêt, allé, que ressens-tu? Que vois-tu?
(Je bouge et je suis calme et détendu. Je décide et je l’oblige à venir, j’impose le rythme)
- Ok tu sors de toi comme si tu te regardais sur une séquence vidéo, que ressens-tu? Que vois-tu?,
(Je suis mobile, je mets du rythme, je dirige)
- Cela correspond-il à ce que tu ressens à l’intérieur? (Oui, je fais ce que je sais faire)
- Ok, maintenant tu enregistres dans chaque partie de ton corps et de ton cerveau ce ressenti de confiance en lien avec l’imagerie de correction de départ.
- Quand c’est enregistré, quand tu le décides tu reviens avec moi ici et maintenant en Visio…
- Tu travailles cette situation tous les jours ou plus et on fait le point la prochaine fois.
Nous allons jusqu’à la fin du premier extrait. Ce qui est extraordinaire dans ce travail c’est qu’à partir du moment où le sportif arrive à enclencher un état d’esprit différent, il trouve en autonomie l’escrime qu’il souhaite mettre en place et reprend le contrôle.
Ces situations « problèmes » reconditionnées/reprogrammées par répétition mentale (changement des lignes de code mentale) se substitueront aux anciennes enregistrées cognitivement lors des évènements sportifs passés. Elles pourront être ancrées dans le cerveau et comme routines de performances° sous forme de ressources à activer le moment souhaité.
°Routines de performance : « La routine est un ensemble de schémas de pensées, d’actions ou d’images, que l’on reproduit systématiquement avant d’effectuer une performance » (Crews & Boutcher, 1986). Afin d’atteindre la ZOF (Zone Optimale de Fonctionnement) en influant sur l’activation et permettant de réguler Stress et émotions.
Bien sûr d’autres situations peuvent être travaillées telles que le renforcement des points forts, blessures, confiance en soi, technique gestuelle etc… Ce protocole ne sert pas uniquement à régler des problématiques mais bien à être congruent entre ce que l’on veut et ce que l’on fait…
De manière fonctionnelle, il est beaucoup plus efficace pour ce type de travail de fractionner l’entrainement mental (accompagné ou non) en plusieurs petites sessions par semaine, pour qu’il soit régulier et non pesant. Pour cela il est bon de définir l’organisation de la semaine à l’avance en utilisant par exemple la matrice « Eisenhower » (Urgent/important****)
Bien évidemment l’idée n’est pas ici de vous détailler l’utilisation des outils mais de vous donner envie d’aller chercher des ressources (même à distance) qui vous permettront de construire et d’utiliser vos propres outils dans le but de mettre en place des comportements adaptés pour être efficace sur le terrain.
Cette période au départ vue comme un problème, un frein ou quel qu’autre difficulté est une période qui peut permettre de devenir proactif, créateur de sens, acteur, faire quelque chose de productif pour soi. Devenir qui l’on souhaite devenir.
L’important n’est pas ce que l’on a dit ou vécu mais ce que l’on en fait !!!!
Comme nous pouvons le lire fréquemment, l’utilisation d’outils tels que la méditation, le Mindfulness, la cohérence cardiaque, la sophrologie, aident à la gestion de la période. Ils permettent de gérer l’incertitude, l’anxiété, le stress, et c’est fondamental. Nous parlons ici d’utiliser cette période dans le but de s’entrainer mentalement et de se préparer à être plus fort et efficace notamment dans un domaine laissé pour compte la plupart du temps à savoir l’entrainement mental.
A la fin de la période nous procèderons de nouveau à un état des lieux sur le même principe qu’au départ. Nous comparerons les éléments associés au départ, aux objectifs et ceux actuels. Voir les éléments à conserver et/ou à modifier pour valider les nouveaux comportements ou schémas de pensée nouvellement acquis.
*Mental & Body Scan : Imaginez que vous êtes dans un scanner et explorez votre corps vos émotions, vos ressentis de la tête aux pieds. Evaluer et identifier les types et les zones de tensions en les chiffrant de 0 à 10.
** VAKOG : Est la représentation des différents canaux sensoriels par lesquels nous filtrons les informations des messages reçus. Visuel-Auditif-Kinesthésique (toucher)-Olfactif-Gustatif. Nous les utilisons tous bien entendu mais 1 voire 2 sont prioritaires et vont colorer les messages. L’identification de ces canaux prioritaires permettra d’individualiser le travail et le langage.
*** Mind Mapping : « Mind Mapping: C’est une représentation visuelle des idées et informations sous forme de schéma appelé Mind Map (ou Carte mentale). Un sujet central, des sujets principaux et secondaires, des relations ou branches, organisent les idées selon une vue Hiérarchique et Associative avec des codes visuels ». https://www.mind-mapping-decision.com/mind-mapping-definition/
****Méthode Eisenhower : Hiérarchisation en terme d’Urgence et d’Importance des tâches à effectuées (définir pour vous l’urgence et l’importance, avant de classer les éléments. Par exemple : Urgence = dans les deux jours. Important = prioritaire)
Stéphane LIMOUZIN,
Préparateur mental au CREPS de Reims,
Membre du C.R.O.P.S.,
Comité de pilotage « Dimension mentale » à L’INSEP
Préparateur Mental Fédération Française d’Escrime…