Implication et concentration sont des termes connus de tous, employés par tous, mais que cachent-ils, et que révèlent-ils exactement? Ne vont-ils pas au- delà de leur simple définition?
Implication : lorsque l’on cherche une définition qui pourrait se rapporter à ce que nous imaginons communément, Larousse nous propose :
– « Etat de quelqu’un qui est impliqué dans une affaire » ou « Conséquence attendue ». Ce qui vous en conviendrez est surprenant. Continuant mes recherches aux vues des premières définitions, je trouve chez Réverso :
– « Etat d’une personne impliquée, engagée dans une affaire fâcheuse » ou « conséquence logique et attendue » ce qui se précise en fonction de ce l’on imagine, pour enfin trouver une définition mathématique :
– « Liaison conditionnelle entre l’antécédent et le conséquent ». Et là, nous pouvons nous dire effectivement que, de mon degré d’implication, dépend l’obtention de mes attendus.
Le résultat étant une conséquence du processus mis en place, il dépend donc à son tour du degré d’implication. Cqfd.
Concentration : Selon Larousse :
– « Fait de se rassembler, de se réunir » ou « Action de faire porter toute son attention sur un même objet »
Nous pourrions traduire par : Focaliser son attention sur un processus de réalisation (action). Ou de manière plus familière, se mettre à l’abri de toute distractibilité et parasite interne et/ou externe afin de potentialiser l’obtention des attendus en termes de réalisation de la tâche.
D’un point de vue psychologique, nous avons plusieurs options :
– » La concentration peut être définie comme l’habileté à focaliser son attention sur la tâche en cours, et, de ce fait, à ne pas être distrait ou affecté par des stimuli internes ou externes non appropriés » A.Schmid, E. Peper, 1993
– La concentration est un état détendu d’alerte ou de réceptivité à ce qui arrive, une habileté à sélectionner et maintenir une focalisation appropriée de l’attention.” Hogg, 1995
– “La concentration, c’est l’effort mental que l’on fournit pour maintenir son attention sur la tâche en cours. Moran, 1999
Pourquoi prendre du temps à définir ce que tout le monde croit connaître ?
Et bien justement pour éviter le phénomène de distorsion des représentations, et trouver in fine un consensus et une définition qui ne réduisent pas le mot à un concept, mais un réel état d’esprit au service de la performance de haut niveau.
Plus les choses sont floues plus il est difficile de mettre en place quelque chose de précis. Par extrapolation, plus les objectifs ont des contours flous, plus il sera difficile de mettre en place des procédures précises et efficaces.
Nous savons que plus les situations sont dangereuses, exigeantes ou d’un niveau très élevé, plus elles requièrent un niveau d’investissement physique et psychique important. Jusqu’au point parfois de nous faire passer dans cet état d’extra lucidité, de distorsion du temps, de sensation extrême que l’on appelle le flow (Csikszentmihalyi). Ainsi lorsque que l’implication et la concentration sont à leur comble et que le travail de répétition lors des entrainements permet une automaticité maximale, nous nous décentrons des enjeux, du résultat et nous sommes uniquement dans l’action. Ici et maintenant, à l’abri de toute distraction et au centre de la performance.
Cependant l’état de flow aujourd’hui n’est pas quelque chose que l’on contrôle. Par contre nous pouvons TOUT faire pour tendre vers, et ce dès l’entrainement.
En France actuellement, nous avons tendance à focaliser notre attention prioritairement sur le beau geste, la réalisation technique, pensant que « le beau geste » est indissociable de la victoire. Il y contribue certes mais ce n’est qu’un moyen, qu’une des composantes de la performance. Combien de sportifs ont développé une personnalisation de leur technique n’ayant pour souci que l’efficience et la victoire.
Si nous revenons à notre notion d’implication / concentration, il est clair que le geste réalisé avec ces deux éléments est beaucoup plus performant que si il est réalisé avec la focale uniquement gestuelle. Et surtout grâce à ces deux facteurs, l’athlète se trouve décentré de l’objectif de résultat.
Comment pouvons-nous activer ces deux éléments ?
La première chose est de donner du sens à chaque fois que l’athlète met un pied sur le terrain ou se prépare pour l’entrainement ou la compétition (hors terrain).
Demandez à un athlète pourquoi il s’entraine, il vous répondra à 90 % pour progresser ou pour être meilleur voire pour gagner, et non pour être prêt, se sentir fort au prochain match ou mobiliser son plus haut potentiel en fonction de la forme du moment. N’oublions (pas comme cela se passe malheureusement trop souvent), on s’entraine pour le match d’après et non pour l’entrainement d’après.
Il faut donc :
– Définir AVEC lui ce dont il a besoin au-delà des objectifs de résultats, ce dont il a besoin pour se sentir de plus en plus fort et capable d’affronter des sportifs de plus en plus forts.
– Définir AVEC lui ce qu’il veut réellement et ce qu’il est prêt à faire pour obtenir ce qu’il veut
– Définir AVEC lui une ou des routines de performance en fonction des moments ou évènements pour qu’il puisse accéder au niveau d’implication et de concentration nécessaire. (principes de fixation d’objectif, au minimum S.M.A.R.T*)
– Définir AVEC lui un discours interne en totale congruence avec ce qu’il veut réellement
– Définir AVEC lui ce que c’est d’être pleinement engagé physiquement et psychiquement « ici et maintenant »
– Définir AVEC lui des critères d’auto évaluation lui permettant de réajuster son implication et sa concentration
– Définir AVEC lui ses forces et ses faiblesses car on gagne prioritairement avec ses forces
– Définir AVEC lui que la notion d’erreur (ou d’échec est un feedback, une information sur laquelle s’appuyer pour travailler encore et encore)
– Demander aux entraineurs de ne pas engager des modifications ou des changements d’exercices voire de consignes, tant que le niveau d’implication et de concentration n’est pas optimum. Ce sont des prérequis incontournables de la performance au sens Anglo-saxon : « to performe » (effectuer, accomplir). L’exigence de l’entraineur doit d’abord se situer dans l’implication et la concentration avant de se situer dans la réalisation technique ou dans le résultat.
Nous pouvons dire communément que l’intention implique l’action. Certes, mais pour le haut niveau, l’implication / concentration permet l’intention précise et adaptée qui implique l’action précise et adaptée.
Des outils de préparation mentale autres que la fixation d’objectifs, les routines de performances, le discours interne, etc, tels que l’imagerie, la relaxation psychosensorielle de Vittoz** contribuent aussi à travailler et à augmenter le niveau d’implication et de concentration chez l’athlète.
Des outils technologique développés tels que « Neuro Tracker » contribuent aussi à ce développement.
Prenons un exemple : Un plongeur de « Cliff diving » qui arrive à 90 km/h dans l’eau s’entraine-t-il de la même manière en termes d’implication / concentration (Cf. définition mathématique) qu’un athlète qui court le 100m ou un joueur de foot. Il semblerait que non car l’exigence de la situation requiert un engagement total. Si on rate un 100m cela n’a pas la même conséquence que de rater un plongeon à 30m. Dans l’absolu, il faudrait que l’investissement de chaque sportif soi identique toute spécificité respectée mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. « On ne court jamais aussi vite que lorsque l’on a un ours enragé derrière soi » en caricaturant il faut apprendre à se mettre soi-même un ours derrière soi quand il n’y en a pas.
Fort de cet exemple nous pouvons dire que l’implication et la concentration c’est être pleinement engagé, focalisé physiquement et psychiquement dans le présent instantané « ici et maintenant ».
Stéphane Limouzin
*S.M.A.R.T : Spécifique, mesurable, orienté vers l’action, réaliste, défini dans le temps
**Relaxation psychosensoriel de Vittoz : La relaxation aide à entrer dans un rapport intime avec soi-même, hors de tout jugement sur soi. Elle nous donne accès à notre espace intérieur de tranquillité. Elle permet de réguler notre réceptivité (capacité à recevoir des informations externes et internes) et notre émissivité (capacité à émettre des sensations des émotions, des idées des jugements).