Le Syndrome de « la réussite par procuration » : « Tu seras un champion, mon fils ! »

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Bientôt le début d’une nouvelle saison de sport et le temps des inscriptions. Des espoirs aussi. Mon enfant sera un champion, c’est décidé !

pere-filsDe nombreuses stars sportives sont en réalité, de petites filles et de petits garçons prêts à tout pour gagner un peu d’amour parental. Dans le tennis féminin, la situation est particulièrement évidente : les sœurs Williams, Hingins, Capriati… Toutes ces stars ont été le jouet de l’ambition parentale. L’histoire de Tiger Woods (à suivre dans le prochain article) illustre le poids et l’impact du milieu familial dans la réussite d’une carrière. Dans la vie des champions, les parents jouent presque toujours un rôle essentiel. Cela provoque parfois des histoires tragiques !

Pour certains enfants et adolescents, la pratique sportive répond à la demande et à la volonté des parents. Selon certains auteurs, le Syndrome de « Réussite par Procuration » serait une variante du syndrome de Münchausen par procuration (mis en évidence par Meadow en 1977). Dans le syndrome « de Réussite par Procuration », les parents sur-investissent et sur-stimulent les talents et la réussite de leurs enfants dans le domaine sportif (il est aussi présent dans la musique, la réussite scolaire…) au point de conditionner l’amour parental aux succès et victoires de leur enfant. Cela conduit les parents à une attitude excessive dans le suivi de la pratique sportive et à faire passer au second plan l’épanouissement de l’enfant. L’entraînement intensif et la réussite sportive deviennent l’unique objectif de la cellule familiale et tout est asservi à ce but ultime !

C’est l’obligation de ne jamais décevoir.
Le développement de tout enfant s’inscrit dans la satisfaction du désir de ses parents qu’il admire et dont il veut être aimé. Cette dépendance affective, cette quête d’amour et de reconnaissance permet de tout accepter : la douleur, la souffrance des blessures, la fatigue, les entraînements à répétition…C’est l’obligation de ne jamais décevoir. Ce destin par procuration peut mener à la réussite mais il est plus souvent inducteur d’échecs et d’abandons. D’abandon, parce que certains arrêteront le sport en prenant conscience que ce choix n’est pas le leur mais celui d’un des parents, assujetti à des désirs et une histoire qui n’est pas la leur; D’échecs parce que le sport de haut niveau n’est que la consécration d’un nombre extrêmement restreint « d’heureux élus ». Cet arrêt de la pratique est culpabilisant parce qu’il peut marquer la perte de l’amour parental mais aussi le sentiment d’incompétence et d’indignité.

« A cet âge on regarde son père un peu comme un dieu ».
Père-filsDans un article intitulé « la gloire de mon père » et paru dans la revue Sport et Vie, Hors Serie N° 17, Frank Nicotra, ancien boxeur sacré Numéro 1 mondial en 1992, illustre parfaitement ce syndrome. Mis sur le ring dès l’âge de 9 ans, il semble avoir certaines aptitudes pour ce sport. Devant le regard de son père qui s’illumine dès qu’il monte sur le ring, Franck Nicotra se fait la promesse de ne jamais décevoir son père, même s’il s’est déjà rendu compte qu’il n’aimerait jamais la boxe. Il deviendra champion pour ne pas décevoir et être aimé de son père! « A cet âge on regarde son père un peu comme un dieu ». A 17 ans, les succès s’enchainent et le clan Nicotra ne vie que pour et par Franck. Chacun à un rôle et sa fonction autour de Franck. Mais c’est son père qui est omniprésent pendant toutes ces années. Franck Nicotra concède que la compagnie envahissante de ce père fut parfois très difficile à vivre: « C’était évidement quelque chose d’oppressant ». Mais la distance n’est pas possible. « Ca aurait été un peu comme une trahison. Parce que, sans lui, au fond, tout ça n’avait pas de sens. Tout seul, je n’avais pas envie de devenir champion du monde ». Difficile de poursuivre une carrière qui demande tant de sacrifices et d’abnégation lorsque vous n’êtes pas animé par la flamme de la passion. Et il quitte brusquement la boxe en 1993, un an après son sacre, et part loin du carcan familial.

Si ce syndrome semble évident dans la carrière de certains sportifs de haut niveau, il peut être présent à tout âge et quel que soit le niveau de l’enfant. Pour s’en convaincre, il suffit par exemple de regarder un match de football de benjamins le samedi après midi et l’attitude des parents, le plus souvent des pères. L’engouement dépasse souvent le stade de la passion et si ces pères sont tous virtuellement des entraîneurs, ils promulguent moultes conseils et directives à leur enfant, certains d’avoir un futur Zinédine Zidane comme enfant !

Alors attention, parce que les répercutions sur l’enfant peuvent être véritablement dramatiques. Revenons à l’essentiel : le sport est avant tout un jeu et ce qui doit animer tout sportif, la passion…du sport !

Références:
Grégory Michel : Prise de risque à l’adolescence: exemple de la pratique sportive et de l’usage de substances psycho-actives, Ed Masson, 2001
Sport et vie, Hors Série N° 17 : Psychologie du succès et de l’échec.

A suivre dans le prochain article : L’histoire d’un être condamné…à devenir champion ! « L’exemple de Tiger Woods ».

Pratique sportive et troubles du comportement alimentaire

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troubles,comportement,alimentaireb
Dans notre société moderne où l’apparence physique et le culte de la minceur tiennent un rôle de plus en plus important, les troubles des conduites alimentaires ne cessent de se développer. Ces derniers font référence à l’ensemble des attitudes, comportements et stratégies complexes associés à une préoccupation permanente du poids et de l’esthétisme corporel.

Ce « fléau » des temps modernes qui touche majoritairement les adolescents et jeunes adultes, se retrouve également chez les sportifs. Ainsi, quand le poids devient un facteur de performance, la relation entre pratique sportive et trouble du comportement alimentaire se complexifie.

De plus, dans certains sports, le risque de développer des troubles du comportement alimentaire serait plus important ; il s’agirait :
[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-triangle-1-e »] [/sws_ui_icon] des sports où les critères de réussite sont liés à l’esthétisme corporel, nécessitant une apparence particulière, tel la gymnastique, le patinage ou encore la danse.
[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-triangle-1-e »] [/sws_ui_icon] des sports où le poids est considéré comme contre-performant, tels la course de fond, l’équitation, le cyclisme.
[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-triangle-1-e »] [/sws_ui_icon] des sports à catégorie de poids laissant aussi place à des stratégies de restriction alimentaire en utilisant des méthodes excessives de perte de poids.

Le Manuel Diagnostique et Statistiques de Troubles Mentaux, texte révisé (DSM-IV-TR) définit les critères des deux diagnostics spécifiques des troubles alimentaires que sont l’anorexie mentale et la boulimie.

Les critères diagnostiques de l’anorexie mentale sont les suivants :
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A. Refus de maintenir le poids corporel au niveau ou au-dessus d’un poids minimum normal pour l’âge et pour la taille (p. ex., perte de poids conduisant au maintien du poids à moins de 85% du poids attendu, ou incapacité à prendre du poids pendant la période de croissance conduisant à un poids inférieur à 85% du poids attendu).

B. Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, alors que le poids est inférieur à la normale.

C. Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou déni de la gravité de la maigreur actuelle.

D. Chez les femmes postpubères, aménorrhée c’est-à-dire absence d’au moins trois cycles menstruels consécutifs.

Spécifier le type :
[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-arrow-1-e »] [/sws_ui_icon] Type restrictif : pendant l’épisode actuel d’anorexie mentale, le sujet n’a pas, de manière régulière, présenté de crises de boulimie ni recouru aux vomissements provoqués ou à la prises de purgatifs (laxatifs, diurétiques, lavements).
[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-arrow-1-e »] [/sws_ui_icon] Type avec crises de boulimie/vomissements ou prise de purgatifs : pendant l’épisode actuel d’anorexie mentale, le sujet a, de manière régulière, présenté des crises de boulimie et/ou recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs.[/sws_blue_box]

Les critères diagnostiques de la boulimie sont les suivants :
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A. Survenue récurrente de crises de boulimie. Une crise de boulimie répond aux deux caractéristiques suivantes :
(1) absorption, en une période de temps limitée (par ex, au moins deux heures), d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances.
(2) sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise (par ex., sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler ce que l’on mange ou la quantité que l’on mange)

B. Comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir la prise de poids, tels que : vomissements provoqués ; emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements ou d’autres médicaments ; jeûne ; exercice physique excessif.

C. Les crises de boulimie et les comportements compensatoires inappropriés surviennent tous deux, en moyenne, au moins deux fois par semaine pendant trois mois.
D. L’estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle.

E. Le trouble ne survient pas exclusivement pendant des épisodes d’anorexie mentale.

Spécifier le type :
[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-arrow-1-e »] [/sws_ui_icon] Type avec vomissements ou prise de purgatifs : pendant l’épisode actuel de boulimie, le sujet a eu régulièrement recours aux vomissements provoqués ou à l’emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements.
[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-arrow-1-e »] [/sws_ui_icon] Type sans vomissements ni prise de laxatifs : pendant l’épisode actuel de boulimie, le sujet a présenté d’autres comportements compensatoires inappropriés, tels que le jeûne et l’exercice physique, mais n’a pas eu régulièrement recours aux vomissements provoqués ou à l’emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements. [/sws_blue_box]

Signes d’alerte, réussite par procuration

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Des signes d’alertes…

Des signes d’alertes permettent de repérer les risques d’occurrence de ce syndrome. Ils ont été décrits par Tofler et coll en 1999.

sport-graphic[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-triangle-1-e »] [/sws_ui_icon] Le pseudo altruisme des parents qui peut se résumer au « On fait tout pour lui ». La notion de sacrifice énoncée des parents donne l’image de « bon parent » et d’une abnégation totale pour l’enfant.

[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-triangle-1-e »] [/sws_ui_icon] L’instrumentalisation de l’enfant où l’enfant n’est qu’un objet, celui de la satisfaction des besoins des parents. Ils vivent aux travers des succès de l’enfant. L’enfant est l’objet naturel le plus approprié pour les gratifications narcissiques des parents.

[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-triangle-1-e »] [/sws_ui_icon] La maltraitance est au cœur de cette problématique avec des charges de travail très importantes et excessives et le déni parfois de la fatigue, des maladies, voire même des blessures. L’induction à la perte de poids se retrouve dans certaines situations.

[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-info »] [/sws_ui_icon] Souvent, l’un des deux parents à un profil psychologique pathologique.

Quelques éléments de réflexion sur la profession de psychologue du sport…

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psychologie-du-sportDe plus en plus de sportif ont recours à des psychologues du sport. La contribution du psychologue dans le domaine sportif constitue une réalité essentielle, contemporaine en France, déjà ancienne dans certains pays. L’histoire de la psychologie du sport permet de mettre en lumière certains des enjeux présents dans ce domaine.

Les techniques d’entraînement mental regroupent un ensemble de techniques développé en psychologie et parapsychologie. Elles visent généralement à améliorer un ensemble de capacités psychiques nécessaire à la pratique sportive.
Elles s’appuient sur des techniques qui peuvent être combinées : relaxation, fixation d’objectifs, visualisation, discours interne, régulation de l’activation…
Les progrès récents de ces techniques permettent maintenant de les utiliser selon les profils et les situations de chaque sportif.

Il existe parfois une différence importante entre les techniques d’entraînement mental et les approches cliniques du sportif. Pourtant, dans le cadre de l’intervention en psychologie du sport, ces deux approches sont nécessaires et interagissent.

Les techniques d’entraînement mental
Les techniques d’entraînement mental peuvent être utilisées à deux niveaux :
[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-triangle-1-e »] [/sws_ui_icon] pour optimiser la performance du sportif.
Elles permettent d’optimiser les capacités mentales du sportif. Dans ce cadre, les techniques peuvent être intégrées à l’entraînement de tous sportifs, quel que soit son niveau, son âge et les difficultés rencontrées.
[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-triangle-1-e »] [/sws_ui_icon] pour prévenir des difficultés psychologiques liées à la pratique sportive.

En effet, ces techniques ont également un impact important sur l’équilibre psychique du sportif. Elles permettent par exemple, d’accroître la confiance en soi, la motivation, réduire l’anxiété, agir sur la gestion du stress, la récupération, la diminution du risque de blessures…

Les difficultés que l’on rencontre dans l’utilisation de ces dispositifs relève de l’adéquation de ces techniques à une situation donnée : pourquoi le pratiquant à t’il recoure à ces techniques? Quels sont les compétences et les objectifs du praticien?

L’analyse de la situation et de l’enjeu de la demande est indispensable pour une approche pertinente :
[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-triangle-1-e »] [/sws_ui_icon] concernant le pratiquant: qu’est-ce qui l’amène à solliciter ce type d’intervention ? Souhaite-t-il optimiser ses performances, rencontre t’il des difficultés depuis de nombreux mois ?
[sws_ui_icon ui_theme= »ui-smoothness » icon= »ui-icon-triangle-1-e »] [/sws_ui_icon] concernant le praticien : est-il face à une situation où l’entraînement mental est indiqué ? Est-il capable de l’évaluer?

Et surtout la question fondamentale : a-t-il la compétence pour y remédier ?

On voit depuis quelques années proliférer des individus qui s’autoproclament préparateur mental ou psychologue du sport, parce qu’ils ont reçus quelques heures de cours sur le sujet ou pire encore parce qu’ils ont consultés deux ouvrages sur le sujet..
C’est pourquoi une charte de la société Française de psychologie du sport sur l’éthique de l’intervention en psychologie du sport s’est avérée indispensable pour former les contours de la profession.

Référence :
Sport et psychologie, L’apport du psychologue aux acteurs, Marc Leveque Les cahiers de l’INSEP.
Entraînement mental et sport de haute performance, N°22 1998, Philippe Fleurance, Les cahiers de l’INSEP.

Crépin Nathalie
Delerue Florence

« J’ai des tailles de vêtements qui vont du 36 au 40 » Témoignage anonyme d’une lutteuse de haut niveau

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Une sportive de haut niveau nous explique la relation entre trouble du comportement alimentaire et la pratique de son sport à catégorie de poids : la lutte.

Propos recueillis en juin 2008 par Delerue Florence

sports_braPourquoi as-tu choisi la lutte comme sport?
J’ai commencé la lutte vers l’âge de 7 ans; c’est un sport que des personnes pratiquaient dans ma famille. Et j’aime surtout ce contact physique avec l’adversaire.

Dans quelle catégorie de poids combats-tu habituellement par rapport à ton poids de corps ?
Le plus souvent, je combats dans une catégorie de poids inférieure à 6 ou 7 kilos de mon poids de corps.

Combien de temps avant la compétition sais-tu dans quelle catégorie de poids tu vas combattre ?
Tout dépend de la compétition. Pour les championnats de France, c’est programmé d’avance. Ca dépend également des sélections d’équipe. L’entraîneur choisit les lutteuses qui vont combattre dans telle ou telle catégorie selon leur performance et si une catégorie reste vide, c’est-à-dire sans lutteuse, alors l’entraîneur choisit une lutteuse pour faire partie de cette catégorie. En moyenne, on sait dans quelle catégorie on concourre environ un mois avant la compétition.

Quand commences-tu le régime ?
Avant, je faisais des régimes « catastrophes », ce qui veut dire que je devais encore perdre trois kilos, deux ou trois jours avant la pesée. Maintenant, je m’y prends à l’avance pour perdre ces 6 kilos en moyenne. Plus on est jeune, plus on fait des régimes catastrophes; avec le temps, on apprend à faire attention.

Comment fais-tu pour perdre ces 6 ou 7 kilos peu de temps avant la compétition ?
Je réduis toutes mes quantités. La dernière semaine, je mange un ou deux fruits le midi et le soir, une soupe. Cela m’est déjà arrivé de ne pas manger du tout pendant deux jours avant la pesée et de ne pas boire pendant un jour et demi. Et pour être au poids, je devais mettre ma sudisette et courir dans le sauna. On essaye de repousser la perte de poids au plus tard possible; on attend d’être au pied du mur, et là, c’est catastrophique.

C’est une vraie souffrance à la fois physique et psychologique…
C’est une souffrance terrible. On est dans un autre état. On ne sait plus quand on a faim ou pas. En fait, on a mal au ventre tout le temps. C’est très particulier: on mange à peine, on se pèse; on boit, on se pèse. De janvier à juillet, je perdais 6 kg toutes les deux semaines. J’avais mes règles toutes les deux semaines puis je ne les avais pas pendant un ou deux mois. En plus des problèmes hormonaux, les problèmes physiques comme les blessures sont fréquents voire permanents. On ne s’arrête jamais; on combat avec les blessures. En grandissant, on fait plus attention à notre santé, on prend des compléments alimentaires, des isostars, pour avoir moins de carences.

Comment se passe le moment de la pesée ?
Après la visite médicale, on doit se peser en maillot. On enlève tous les sous-vêtements. On connaît le poids de chaque sous-vêtement et surtout, on s’est pesée avant la pesée officielle; tout est calculé. Mais si, avant la pesée officielle, notre poids est supérieur à celui de la catégorie, on enfile la sudisette et on va courir. Et là, on a besoin des autres.
Une lutteuse a même dû se couper les cheveux pour être au poids parce qu’elle n’arrivait pas à perdre les 200 derniers grammes : c’était le régime de trop.

Justement, y a-t-il une solidarité entre les lutteuses lors de ces régimes ?
Enormément. Chacune motive l’autre, comme dans un sport collectif. On se dit : « tu ne craques pas, je ne craque pas ». On essaye presque d’en faire un jeu. Si une fille souffre, une autre fille qui n’a pas de problème de poids l’emmène courir et la motive.

Quel rôle tient l’entraîneur pendant ces régimes ?
Il est derrière nous psychologiquement. Il nous soutient beaucoup. On en a besoin.

Que se passe t-il après la pesée ?
C’est le « craquage », la « liberté ». C’est la première victoire. C’est le problème des régimes : on pense d’abord au poids et ensuite à la compétition. Et après la pesée, c’est la libération.
Souvent, avant la pesée, on va faire les courses dans un supermarché et là, on se fait plaisir. On achète tout et n’importe quoi, et le problème, c’est qu’on sait très bien qu’on ne va jamais manger tout ça. Mais on se fait du bien. Le régime est tellement une grosse frustration; on se jette sur tout !
Même si on a mal, si on n’a plus faim, on mange, tellement on a été frustré. Et pour manger encore et encore, on vomit ce qu’on vient d’avaler. C’est à cause de la privation. En un week-end, on peut prendre 4 kg. Il m’est arrivé, juste après la pesée, de manger un fromage de brie presque en entier, puis des tablettes de chocolat et ça, avant d’aller au restaurant. Je ne savais plus me lever, ni marcher, je rampais…

Et le jour de la compétition ?
A partir de ce moment-là, ce qu’on mange, c’est pour la performance; c’est adapté à la performance. Le jour de la compétition, c’est la compétition, il n’y a plus de frustration. On se sent lourde à cause du sucre, du « trop mangé », les muscles sont parfois tétanisés à cause de la mauvaise alimentation ou de la déshydratation.
Par contre, après les jours de compétition, les excès reviennent et on reprend les kilos qu’on a perdus.

En dehors des périodes de compétition, essaies-tu de tenir une hygiène de vie irréprochable, de faire attention à ton poids ?
Non, c’est du « n’importe quoi ». On ne s’alimente pas comme un sportif de haut niveau devrait le faire. Il m’a fallu un an pour retrouver un poids de corps; je n’en avais pas avant. En une semaine, hors période de régime, je variais de 3 kg. En une soirée, j’ai déjà pris 3 kg. J’ai des tailles de vêtements du 36 au 40. On ne fait jamais vraiment attention à notre poids parce qu’on sait qu’on peut perdre 3 kg en une semaine. On ne pense pas à la performance. Avec l’expérience, oui, on fait attention; on apprend à faire un régime sans grande frustration, en allant voir la diététicienne par exemple.

S’imposer un régime draconien avant la compétition te procure t-il la niaque, une motivation supplémentaire lors du combat ? Te dis-tu « Je n’ai pas fait tout ça pour rien » ?
Oui. Tout à fait. On n’aborde pas la compétition de la même manière si on n’a pas fait de régime. Mais ça se voit plus chez les hommes.
Et même quand je ne dois pas faire de régime pour être dans une catégorie de poids, j’ai le même comportement alimentaire après la pesée que si j’avais fait un régime : c’est comme un comportement appris et répété.