La préparation mentale au sein de la Fédération Française de Savate Boxe Française et DA
Article* rédigé par Victor SEBASTIAO conseiller à la préparation mentale des équipes de France de SAVATE boxe française depuis 2011 et membre du C.R.O.P.S.
A vous, curieux qui lisez ces lignes, je vous livre le bilan de 7 années de mon activité professionnelle concernant le développement du facteur mental de la performance. Pour ce faire, je choisi d’apporter des éléments de réponses à des questions que je me pause ou qu’on m’a posés dans la mesure où elles sont à la fois les fruits, les conséquences et les fondements de l’ensemble des actions que je mène :
Doit-on parler de préparation psychologique ou de préparation mentale dans le domaine sportif ?
Pour moi, dans la mesure où l’on considère que la préparation mentale ou psychologique de la performance sportive relève d’une approche pédagogique, alors oui, il s’agit de la même chose. Toutefois, je préfère utiliser l’appellation « préparation mentale » pour les pédagogues du sport comme moi et réserver l’appellation « préparation psychologique » aux psychologues et aux médecins. Dès lors que l’intervention du praticien a pour objet le traitement de pathologies induites par une activité extra-sportive ou même sportive, on entre dans le champ thérapeutique et cela ne concerne plus la préparation mentale ou psychologique mais relève davantage d’un suivi psychologique.
La préparation mentale est une affaire de spécialistes ou bien ce rôle doit être rempli par l’entraineur ?
La préparation mentale ne peut être dissociée des autres facteurs de la performance (physique et technico-tactique). La préparation du sportif est un tout ! L’entraineur en est un des responsables avec le sportif dans la mesure où son rôle est de favoriser l’émergence de la performance. Pour autant, l’entraineur n’est pas un préparateur mental. En effet, bien souvent, il n’a ni la démarche adéquate, ni la formation spécifique. De plus, il est par nature très impliqué affectivement dans le projet sportif ce qui ne lui permet pas toujours d’avoir le recul nécessaire pour identifier et traiter objectivement une problématique mentale. Par ailleurs, la relation entre l’entraineur et le boxeur est parfois au centre de la problématique du sportif. Parfois, cet état de fait conduit l’entraineur en tant que « manager » à faire appel aux services d’un préparateur mental.
La préparation mentale c’est plutôt un travail de longue haleine ou la recherche d’un déclic ?
Si un déclic est une prise de conscience, alors la préparation mentale est un travail de longue haleine ponctué par une succession de déclics ! Dans l’idéal, la préparation mentale se fait en amont, dans l’anticipation. Elle doit être envisagée à l’égale de la préparation physique et technico-tactique, passant par une période de formation et beaucoup d’entraînement. Ma mission de conseiller à la préparation mentale des équipes de France de SBF me conduit bien souvent à agir dans l’urgence. Dans ce cas, avec le sportif, nous faisons du mieux que nous pouvons. Et oui, ni magie, ni magicien et encore moins de baguette magique pour la préparation mentale !
Certains sportifs préparant une échéance importante semblent manquer de motivation. Comment comprendre cela ?
La motivation ou plutôt l’envie c’est l’étincelle de la réussite, c’est la clé de voûte du système d’entrainement ! Une échéance importante. Oui, mais pour qui ? A l’origine du manque de motivation qui engendre une moindre implication dans le projet sportif, je retrouve presque à chaque fois le même scénario : la phase de détermination de l’objectif sportif, qui est l’outil de base du renforcement de l’envie, est occultée ou trop peu développée par le sportif et l’entraineur. Qu’est-ce que tu veux ? Ton objectif ne dépend-il que de toi ? En quoi cet objectif est-il important pour toi ? Quels freins pourrait-il y avoir ? etc. De plus, cultiver le plaisir de la pratique engendre la satisfaction et renforce l’envie.
Quelles sont les compétences et formations nécessaires et obligatoires pour être préparateur mental ?
Il y a des connaissances et des compétences nécessaires, parmi lesquelles on retrouve :
– Les données et les concepts fondamentaux de la psychologie du sport.
– La maitrise d’outils d’évaluation et de diagnostique (tests, entretiens).
– La maitrise de techniques d’optimisation de la performance (respiration, relaxation, imagerie mentale, gestion des pensées, etc.)
– L’accompagnement du bien-être du sportif, etc.
Concernant les formations et qualifications (diplômes) obligatoires, pour être préparateur mental, la règlementation française n’en prévoit pas. Aussi, Je recommande le Diplôme Universitaire « Préparation mentale et psychologie du sportif » de Lille 2 (www.preparationmentale.fr). Pour ma part, je suis devenu préparateur mental il y a environ 25 ans lorsque je me suis formé en sophrologie (master en sophrologie de la Fondation Alfonso Caycédo) et spécialisé en sophro-pédagogie sportive.
Certains athlètes ne veulent pas disputer de rencontre sans la présence de leur entraineur. Doit-on le comprendre ou est-ce anormal ?
Il n’est pas du ressort du préparateur mental et toujours « dangereux » pour lui de s’insinuer dans la relation entre l’entrainé et l’entraineur. Il en va de même pour les relations intimes qui unissent l’athlète à sa famille. Néanmoins, la détermination du problème et de la demande du sportif concerne parfois directement ses relations avec son entraineur. Le principe que je respecte est le suivant : la détermination et la mise en œuvre des objectifs conduisant à la fois à la réussite de son projet sportif et de son bien-être incombent au sportif. Le préparateur mental éclaire et accompagne le choix du sportif objectivement et dans la mesure du possible il évite tout jugement de valeur. Les seuls cas où je ne respecte pas ce principe c’est lorsque le comportement, ou l’emprise de l’entraineur, est tel qu’il occasionne une réelle souffrance pour l’entrainé pouvant s’apparenter à du harcèlement. J’ai été par 2 fois amené à en informer le médecin de l’équipe de France.
Je considère l’entraineur comme « le maître d’œuvre » de la performance au service du sportif. Le boxeur, lui, demeure l’architecte de sa propre performance et non pas un simple acteur, voir une marionnette. C’est lui qui choisit !
La Préparation mental est réservée aux athlètes de haut niveau ?
La préparation mentale concerne tous les niveaux et toutes les catégories d’âge, du simple pratiquant loisir, au finaliste des championnats du monde. Aussi, chaque club de SBF n’étant pas doté d’un préparateur mental, l’apprentissage ou l’entrainement des habilités mentales de base (respiration, relaxation, imagerie mentale, gestion des pensées, gestion des émotions, etc.) sans chercher à répondre directement à une problématique compétitive spécifique incombe à l’entraineur. On parle alors d’accompagnement mental à l’entrainement. On n’a pas attendu d’avoir des préparateurs physiques dans les clubs pour faire faire de la corde à sauter ou des pompes aux pratiquants ! Ces séances peuvent aisément être animées par un entraineur sensibilisé à l’accompagnement mental ayant suivi un complément de formation.
Doit-on suivre le sportif en compétition ?
L’autonomie du boxeur est non seulement recherchée, mais aussi presque toujours imposée par les impératifs matériels (temps, finances). Il m’est arrivé d’intervenir pendant des tournois, notamment pour aider le sportif à gérer l’échec et à se remobiliser pour l’épreuve suivante mais la technique utilisée était déjà maitrisée par le sportif.
L’outil vidéo couplé avec les informations transmises par l’entrainé et l’entraineur permettent parfois des prises de conscience lors des séances de préparation mentale.
Doit-on être un expert de la SBF ?
Maîtriser la discipline me permet d’être plus efficient en termes de communication mais me perturbe parfois dans le nécessaire recul permettant l’écoute des besoins du sportif.
La plupart du temps, en dehors de mes missions professionnelles auprès de la fédération, lorsque je m’occupe d’un sportif, je n’ai peu ou pas de connaissances techniques concernant sa discipline.
Un peu d’humilité et de rêve pour conclure !
Avant mon activité vers une plus grande prise en compte du facteur mental de la performance, près de 90% des titulaires des équipes de France de SBF étaient médaillés aux championnats internationaux et près de 80% d’entre eux obtenaient la médaille d’or. Des lors, il m’était difficile de viser une amélioration de ces résultats parfois perçus comme contreproductif au regard de l’indispensable développement internationale de la discipline. Ce manque de « pression » liés aux résultats ne contribue pas à priori au développement de la PM au sein de la FFSBF DA. C’est pourquoi mon activité a été dès le début de mes travaux orientée plus vers l’accès au haut niveau que vers les résultats sportifs internationaux. Le retour d’activité des athlètes de haut niveau fait à leur entraineur de club et la formation des cadres sportifs mise en œuvre accentuent l’impact de mon activité sur les 770 clubs. Cela engage l’avenir de la fédération aussi bien dans son identité que dans son développement.
A tous les curieux qui m’ont lu jusqu’au bout, je dis merci et à bientôt pour d’autres aventures !
Victor Sebastiao
*Texte en partie inspiré d’un précédant article disponible sur e-sporting-coach.