Le monde de l’entreprise et le monde sportif ont de nombreux points communs. Au travers de cet article, nous allons tenter de montrer en quoi la préparation mentale souvent préconisée chez les sportifs, peut être un atout précieux dans le monde de l’entreprise. Des thématiques transverses, comme la performance, la santé, la gestion du stress, la gestion des émotions sont connexes aux différents acteurs.
Des magazines spécialisés comme Management, les Echos, Be a boss, poussés par les mesures de l’Etat, conseillent dans le monde post covid de se réaliser via la création de son entreprise. Les livres de développement personnel et autres accompagnements type coaching promettent un individu libre et sans attache capable de créer sa propre activité auto-réalisatrice (Live mentor, Change, Edoni, pour ne citer que les plus connus).
Pour autant, Julia de Funes, dans son ouvrage « Le développement (im)personnel[1] », nous invite à être vigilant sur le fait que ces types d’accompagnement enferment le chef d’entreprise dans une image stéréotypée : une personne forte, enthousiaste et toujours positive, qui contrôle son destin. Image pas toujours représentative de la réalité.
Pour atteindre l’objectif personnel de réalisation de soi sans s’enfermer dans un perfectionnisme à outrance, le chef d’entreprise comme le sportif ont besoin de certaines habiletés mentales. Il s’agit de passer du statut d’amateur à celui de haut niveau, du statut d’auto-entreprise à celui de chef d’entreprise.
Selon l’Observatoire de santé au travail AMAROK[2] le capital santé des dirigeants constitue le premier actif immatériel de la P.M.E.. Par écho la santé du chef est la pierre angulaire d’un fonctionnement pérenne de l’entreprise. Plus concrètement, la qualité du sommeil et la capacité à gérer stress, pression et émotions, impactent directement les choix stratégiques.
Véritable homme-orchestre, le chef d’entreprise a souvent fait de son projet professionnel son projet de vie. Les petits tracas du quotidien usent considérablement ses ressources. En effet, il est enjoint d’agir en permanence dans sa vie privée et dans sa vie professionnelle. Diriger exige un engagement important en temps et en énergie souvent au détriment des activités familiales et de loisirs.
Mais de quelle pression parlons-nous ? Au cours de notre expérience, nous remarquons que nos patients chefs d’entreprise refusent la vulnérabilité. Ils mettent un point d’honneur à montrer que tout va bien. La pression est due à la croyance qu’il ou elle doit être au top toujours et dans tous les domaines : « je ne peux pas faillir ». Cette pression est très factuelle, ils portent souvent la responsabilité de faire vivre leur famille. Autre point, l’entreprise a été créée et organisée de façon à ce que tout repose sur eux.
Face à une difficulté, au spectre du burn-out ou tout simplement à un rythme de vie effréné malmenant l’équilibre, le chef d’entreprise conscient de son manque de temps et soucieux de sa santé recherche un accompagnement concret visant son développement.
Psychologue du travail en libéral, j’ai vu depuis quelques années augmenter les demandes de suivi individuel et collectif. Cette modification des besoins a impacté l’offre d’accompagnement. J’ai donc souhaité ajouter une corde à mon arc en me formant à la préparation mentale.
Intéressons-nous, maintenant au profil de ces nouveaux clients, patients, …
Ce témoignage est à considérer comme une expérience que je vous livre, ni plus, ni moins. Il est le fruit d’une simple observation de mon activité depuis une dizaine d’années. En aucun cas il ne constitue une donnée pure.
Quel est le profil de mes clients ?
- 1 femme pour 10 hommes
- entre 40 et 50 ans
- la demande fait suite à une rupture personnelle (ex : divorce) ou professionnelle (ex : dépôt de bilan). C’est la majorité des cas.
- un profil hyperactif (multi-activité, profil de personnalité à « engagement » très fort, valeurs de loyauté)
- pas ou peu diplômé, souvent autodidacte
- une blessure personnelle impactant la confiance en soi, l’image de soi (ex : syndrome de l’imposteur)
- une incapacité à concevoir l’échec
- une forte créativité
- un très bon niveau d’énergie
Je cite M CC, « être autodidacte avec un bon bagout relationnel et une grosse force de travail restent encore les meilleurs alliés pour se réaliser ». La création d’une entreprise apparait aussi comme un moyen de réparer une blessure. Un peu comme cet art japonais qui consiste à mettre une feuille d’or sur la fêlure (Kintsugi).
Voici quelques questions entendues, qui traduisent le doute et la peur de passer à côté de sa vie personnelle : Suis-je à la hauteur ? Ai-je fait les bons choix ? Quid de l’équilibre avec ma vie de famille et ma santé ? Comment être plus performant tout en protégeant ma santé ? Quel sens donner à ma vie, dans laquelle l’entreprise a tellement de place ? Tout cet investissement de ma part vaut-il le coup ?
La baisse des performances se matérialise par de mauvaises prises de décision, des troubles du sommeil, une irritabilité et disons-le, par moment une prise de produit dopant quelle que soit sa forme.
L’enjeu de l’accompagnement pourrait s’apparenter à la problématique suivante : Comment rétablir l’équilibre pour maintenir voire augmenter mes performances tout en protégeant ma santé et ma famille ?
Concrètement, comment se déroule un accompagnement ?
Un premier rendez vous sert à analyser la demande :
Quelle est la situation aujourd’hui ?
- En quoi est-elle insatisfaisante ?
- Quels en sont les inconvénients ?
- Qu’y a-t-il de bon dans la situation présente ?
- Quels sont les avantages à la garder telle quelle ?
Plusieurs questions sont ainsi nécessaires pour avoir une représentation au plus juste de la demande et définir les axes de travail. C’est au cours de ce travail de départ que spontanément la personne se livre. Des outils projectifs comme des jeux de cartes avec des animaux totem, des vidéos, des dessins sont souvent utilisés.
Le deuxième rendez-vous est consacré au chef d’entreprise au travers de sa personnalité, son identité professionnelle et personnelle, son mode de management et sa vision stratégique. Des questionnaires peuvent être utilisés pour appuyer la démarche (NEOPIR personnalité, WAIS IV pour le QI, Spotlight® performance comportementale, ….)
L’addition des deux rendez-vous me permet de créer une carte mentale de la problématique : d’où je pars ?
Il nous reste à définir où je veux aller. J’ai créé spécifiquement un livret d’accompagnement basé sur l’IKIGAY, (qui signifie « la vie », « ce qui vaut la peine », « la priorité, l’initiative » et « la beauté, l’élégance »). Les outils issus de la préparation mentale structurent de façon méthodique les points d’avancée des habiletés nécessaires au chef d’entreprise.
En fonction de la demande, je crée en étroite collaboration avec la personne un accompagnement défini par un nombre de séances et structuré par un objectif à chaque séance. La fixation d’objectifs via la méthode SMART (Simple, Mesurable, Atteignable, Réaliste et Temps) est notre fil conducteur. Un livret stagiaire, des vidéos et podcasts constituent, entre autres, des supports hors accompagnement.
La préparation mentale d’un chef d’entreprise suppose aussi une bonne hygiène de vie. Des conseils en micro nutrition, sur le sommeil, l’activité physique et l’aspect psychologique font ainsi partie de l’offre d’accompagnement globale. Cette démarche holistique peut se faire soit au cabinet soit en partenariat avec les professionnels référents.
Quelques exemples d’outils utilisés en préparation mentale :
La focalisation de l’attention vers ce que je cherche à obtenir : Cohérence cardiaque pour augmenter la concentration et la gestion du stress. Travail sur les pensées parasites (discours interne, restructuration du discours, travail sur les biais cognitifs).
La gestion des émotions : travail au niveau psychocorporel, développement de nouvelles stratégies de régulation, transmutations.
La gestion du temps et des priorités : définition de l’équilibre, mise en place de routine de performance.
Quels résultats peut-on attendre ?
Simplement l’atteinte de ces objectifs par la définition d’une ligne directrice permettant de maintenir l’équilibre vie pro et vie perso.
Une amélioration des prises de décisions par le développement d’habiletés cognitives et émotionnelles.
Une capacité à être plus créatif par un mindset de type recherche de solutions.
Article rédigé par Hélène Sido.
[1] De Funes Julia, Développement (im)personnel, Les éditions de l’Observatoire, 2019.
[2] http://www.observatoire-amarok.net