Par Hélène Sido, Psychologue et Préparatrice mentale
Le 26 novembre 2023, j’ai participé au marathon de la Rochelle. J’ai voulu, pour la première fois, me lancer ce défi. Un marathon constitue un objectif très exigeant : dégager du temps pour suivre un plan d’entraînement précis, repenser son alimentation et créer un mindset favorable.
Coureuse depuis de nombres années, je suis habituée aux runs de fin de journée et aux sorties longues du week-end. J’ai également entrepris plusieurs treks au bout du monde, mais jamais je ne m’étais inscrite dans une compétition. D’ailleurs, ma source de motivation a toujours été la découverte, l’expérience, la rencontre du soi. Point de souffrance ou de dépassement de limites : le mindset directeur reste l’envie et le plaisir.
J’ai pu constater que pour moi, la ténacité s’invite dans une autre sphère de vie : le travail. Dans cette sphère, je suis capable de faire preuve d’une motivation à toute épreuve, de volonté, de dépassement de limites, d’une pugnacité redoutable… j’avale les formations, la création de projets, les nuits réflexives, les groupes de travail. Sans doute trop d’ailleurs….
Forte de ce constat, je me suis interrogée sur la « transférabilité » de cette ténacité. Est-ce les mêmes mécanismes à l’œuvre ? suis-je capable de mobiliser la même énergie dans le sport que dans le monde professionnel ? me challenger ?…. Ces questions et bien d’autres m’ont conduite, entre autres, à lire l’ouvrage « L’Art de la niaque » de Angela Duckworth, publié en 2018.
L’autrice y déconstruit l’idée d’un talent inné pour garantir le succès et parvient à prouver, grâce à de nombreuses recherches et expériences personnelles, que la ténacité compte deux fois plus que le talent. L’auteur appelle cela la psychologie de la passion et de la persévérance.
En quelques mots, voici les idées principales du livre :
- Le talent n’est pas suffisant pour assurer le succès ;
- L’effort compte deux fois plus par rapport au talent ;
- Sans effort, le talent n’est qu’un potentiel non réalisé ;
- La ténacité a deux composantes : la Passion et la Persévérance ;
- Les 4 ressources qui poussent les gens à avoir du courage sont : l’intérêt, la pratique, le but et l’espoir ;
- Les personnes et l’environnement influencent le développement de la ténacité ;
- Selon une étude, plus une personne a de courage, plus il est probable qu’elle soit plus satisfaite de la vie.
Revenons à mon expérience au regard de ce livre.
Mon objectif, pour ce premier marathon, n’était pas de faire un « temps/chrono ». Je venais de me casser des côtes suite à un accident professionnel, j’avais attrapé le COVID et je m’étais entraînée sous une pluie incessante pendant des semaines… soyons honnête : ce ne sont là que des excuses. Nous étions, je crois, 7 400 sur la ligne de départ… j’avais simplement peur. Mais peur de quoi, puisqu’il n’y avait aucun enjeu…(n’est-ce pas ce que l’on se dit pour se rassurer ?). Bien sûr qu’il y avait un enjeu, ne serait-ce que de moi à moi-même.
Comprendre la niaque
Le sens de l’action, de l’engagement dans le projet
Réaliser un marathon c’est mettre en place un plan de course, suivre des objectifs le tout s’inscrivant dans une régularité/persévérance. C’est une vraie conduite de projet.
Questionner le sens de son engagement, s’est interroger sur l’essence même de la motivation à l’action. Devant l’effort, le découragement, les embûches, le sens devra être mobilisé pour éviter l’abandon. C’est donc un axe crucial qui ne doit pas être négligé, mais au contraire susciter toute notre attention de préparateur mental.
Qu’elle soit interne ou externe, cette motivation doit être clarifiée. Nos outils de préparateurs mentaux tel que l’imagerie, les objets flottants (tableau de visualisation, blason), le questionnement, vont challenger, préciser et faire émerger notre « moteur à l’action ».
La question du « talent » ?
Angela Duckworth a réalisé que « le talent est précieux, mais que l’effort compte pour le double». Autrement dit : sans effort, le talent ne vous mène pas au succès. Cela peut se traduire par l’équation suivante :
«talent x effort = compétence» et «compétence x effort = succès».
L’autrice, se basant sur ses nombreuses recherches, prône de mettre l’accent sur le développement de la ténacité, plutôt que de s’en remettre à la notion de talent, notion incertaine selon elle.
La ténacité a deux composantes : la passion et la persévérance. La passion est ce qui nous émeut, et la persévérance est ce qui nous permet de ne pas renoncer à long terme à nos objectifs. Ce sont les principaux éléments pour mener à la réussite.
En vue de ce marathon, j’ai donc centré ma préparation mentale autour des points suivants :
- Fixation d’objectifs clairs et réalisables : La clarté de l’objectif crée un chemin mental qui guide vos efforts. Cela vous donne une raison de pousser plus loin, même quand le corps crie d’arrêter.
- Préparation mentale et physique : La ténacité s’accompagne d’une préparation rigoureuse. J’ai suivi scrupuleusement mon plan et fait en sorte que ce plan puisse s’inscrire dans ma dynamique personnelle et professionnelle. La disponibilité à ma conduite de projet a été ma priorité.
- Visualisation positive : Imaginez-vous en train de réussir. Je me suis attelée à lister toutes les raisons qui ont fait que ce projet aller réussir, mais aussi tout ce que je devais mettre en place pour que cela réussisse. Puis, je me suis servie de la méditation pour ancrer mes pensées dans le corps.
- Gestion du stress et de la douleur : Apprenez à reconnaître et à gérer vos réactions physiologiques et émotionnelles. Des techniques comme la respiration profonde ou la méditation peuvent être utiles. Pour ma part, n’ayant pas d’objectif de temps, l’axe que j’ai choisi a été de travailler sur la gestion des priorités au regard de la réalité. En effet, mon stress résidait dans la difficulté de réussir à m’entraîner au regard de ma charge de travail et mon état de santé.
- Culture de la résilience : La résilience est essentielle. Acceptez que le parcours sera difficile, mais ne laissez pas les difficultés ébranler votre détermination.
Sans oublier… l’environnement
Trop de projets personnels ou professionnels se voient avorter par manque de soutien de l’entourage. « L’esprit d’entreprendre » mérite un environnement soutenant, à l’écoute et impliqué. À vous de le créer en fonction de chaque projet. Pour ma part mes patients, grâce à leur compréhension de la gestion de mon agenda, leurs mots… sans oublier le sens de ce marathon…ont été des appuis précieux.
Utiliser la niaque le jour « J »
Pendant le marathon de La Rochelle, j’ai mis en pratique ces principes.
- Rester concentré sur l’instant présent : Concentrez-vous sur chaque pas, chaque respiration. Ne pensez pas à la distance restante, mais à l’effort actuel.
- S’Adapter et persévérer : Soyez prêts à ajuster vos stratégies en fonction des circonstances. La niaque, c’est aussi savoir être flexible.
- Célébrer chaque petite victoire : Chaque kilomètre franchi est un triomphe. Ces petites célébrations alimentent la niaque.
J’applique scrupuleusement ces principes dans mon travail grâce à mes outils de préparatrice mentale. Cette ligne directrice s’inscrit pleinement dans ma routine.
Conclusion
La niaque est une force puissante, mais elle doit être cultivée et dirigée judicieusement. Avec une préparation adéquate et une mentalité résiliente, vous pouvez utiliser la niaque pour dépasser vos limites et atteindre des sommets inédits. Pour moi, le marathon de La Rochelle n’était pas seulement une course, c’était une métaphore de la vie elle-même : un chemin semé d’embûches, mais surmontable avec le sourire.