« Plus qu’une minute et on y va ! »
Palais des sports de St Fons, stade Pierre de Coubertin ou Palais omnisport de Bercy, il est là, bras musculeux, torse en sueur, visage tendu enduit de vaseline, poings serrés dans les gants. Il respire.
Championnat de ligue, de France ou tournoi international peu importe… Il repasse inlassablement dans sa tête les options technico-tactiques qu’il a choisis avec son entraîneur. « Commencer fort pour surprendre, le provoquer en poings dans la 2ème, récupérer pendant la 3ème et faire le forcing en pieds les 2 dernières reprises »…
Une musique rythmée clôt ses pensées, la voix du présentateur annonce son nom, son soigneur lui tape sur l’épaule « aller c’est à toi garçon ! ». Il rentre dans la lumière, il entre en action, se dirige vers l’enceinte, le public est là, bruyant, il ne le voit pas, il est prêt !
« Saluez-vous, en garde, allez ! ».
Lui, c’est peut-être vous compétiteur, novice ou star des rings. Lui, c’est peut-être votre petit cadet qui monte sur le ring pour la première fois, ou votre champion qui dispute les finales du championnat du monde. Lui, c’est peut-être votre ami, votre frère ou votre enfant. Lui, c’est un boxeur ! Mais ça aurait put être un basketteur, un golfeur ou un gymnaste car dans le théâtre de la compétition sportive, c’est toujours la même pièce qui se joue.
Vous le savez, il ne suffit pas d’avoir une droite à la Tyson pour remporter un combat, pas plus qu’il ne suffit d’avoir la condition physique d’Amélie Mauresmo pour gagner un tournoi de tennis. Chaque saison sportive apporte son lot de sportifs « archi-favoris » qui perdent parce qu’ils ont négligé leur préparation mentale.
C’est devenu une habitude d’attribuer victoires et défaites au « mental ». On entend partout : « C’est mental, le mental a fait la différence… il a un bon mental… ce qui lui manque, c’est le mental… il faut travailler son mental… »
La préparation mentale est la nouvelle vedette du sport moderne. Il n’est pas un article de journal, pas une analyse de match, pas un portrait de champion qui ne fasse référence à la fameuse « préparation mentale ». La préparation mentale est mise à toutes les sauces, mais comment se prépare-t-on mentalement ?
La préparation mentale…
Pour Lars-Eric Unestahl (1986), l’entrainement mental a pour but de permettre au sujet de contrôler ses pensées, ses attitudes, ses actions afin de pouvoir éventuellement les changer. Il repose sur l’idée qu’au même titre que la force musculaire peut être améliorée par l’entrainement, la force mentale peut être développée par l’exercice.
Pour Jean Fournier (1998), la préparation mentale est « la préparation à la compétition par un apprentissage d’habilités mentales et d’habiletés cognitives, dont le but principal est d’optimiser la performance personnelle de l’athlète tout en promouvant le plaisir de la pratique et en favorisant l’atteinte de l’autonomie ».
Aussi, le champ de la « préparation mentale » en sport relève d’une approche pédagogique en vue d’aider le sportif à donner le meilleur de lui-même (utiliser au mieux ses ressources) dans le cadre de la compétition, mais aussi de l’entraînement.
L’objectif de la préparation mentale du sportif est d’amener ce dernier à mettre au point une « boîte à outils mentale » personnalisée qu’il pourra utiliser en autonomie. Cela permettra au sportif d’agir aussi bien sur l’aspect physiologique et émotionnel (ce qu’il ressent) que sur l’aspect cognitif (ce qu’il pense) et comportemental (ce qu’il fait). C’est-à-dire sur les 3 composantes conditionnelles et coordinatifs mentaux de la performance.
La notion de plaisir dans la pratique sportive nous rappelle que les sportifs ne sont pas des machines à performance, mais bien des êtres humains à la recherche d’un épanouissement personnel. Le plaisir renvoie également au Graal de la préparation mentale : « le flow » ou « la zone » comme le nomment les sportifs. C’est-à-dire l’ « état de grâce » intrinsèquement agréable qui se manifeste pendant la perception d’un équilibre entre les compétences personnelles et la demande de la tâche. En résumé, « jouer comme dans un rêve ».
Un peu d’histoire…
Il y a de nombreuses années que des techniques de préparation mentale sont intuitivement utilisées par des sportifs, mais ce n’est que depuis la fin des années 1960 qu’elles font l’objet de recherches scientifiques et qu’elles prennent progressivement de l’importance dans la préparation du sportif. En 1991, le premier congrès mondial d’entrainement mental à Örebro (Suède) place définitivement la préparation mentale comme une partie intégrante du processus de l’entrainement du sportif au même titre que la préparation technique et physique.
En parallèle, la Sophrologie fait son apparition et si le professeur Alfonso Caycedo est le père de la Sophrologie (1960), le docteur Raymond Abrezol, est le père de la Sophro-pédagogie sportive. En effet, déjà en 1967, il participait à la préparation de l’équipe de ski Suisse, marquant ainsi l’entrée de la Sophrologie dans le monde du sport. Depuis, la sophrologie sportive n’a cessé de se développer et on la trouve aujourd’hui dans toutes les disciplines sportives : tir à l’arc, équitation, saut à la perche, tennis, boxe, tir sportif, athlétisme, rugby etc. De plus, elle concerne tous les niveaux, du simple pratiquant loisir, au finaliste des jeux olympiques. Des auteurs comme le professeur de sport Luis Fernandez, depuis les années 1980, ou le docteur Edith Perreaut-Pierre, depuis les années 1990, se font l’écho des fondements de la Sophrolo-pédagogie sportive et ont largement contribué par leurs travaux et leurs publications à son évolution et son développement. Aujourd’hui, des écoles de sophrologie intègrent dans la formation qu’elles dispensent des modules de spécialisation « Sophrologie et sport ».
La préparation mentale, pourquoi et comment ?
La liste qui suit, sans être exhaustive, présente les principales indications de la préparation mentale :
• Favoriser la récupération
• Réguler le niveau d’activation (calmer ou dynamiser)
• Objectiver la fixation des buts (sportif et extra-sportif)
• Clarifier les facteurs de motivation (intrinsèque et extrinsèque)
• Renforcer la confiance en soi
• Limiter les pensées négatives et renforcer le discours interne positif
• Gérer ses émotions, principalement la peur et la colère
• Optimiser la concentration
• Faciliter l’apprentissage technique sportif
• « Apprivoiser » le stress précompétitif inhibiteur
• Favoriser les relations au sein du groupe ou de l’équipe (entraîneurs, partenaires d’entraînement, etc.)
Pour répondre à ces problématiques le préparateur mental peut utiliser entre autre, outre des entretiens et des tests, des outils composés à partir des 4 éléments principaux suivant :
• La respiration
• La relaxation
• L’autosuggestion (gestion des pensées)
• L’imagerie mentale (utilisation de tous les sens pour créer une expérience dans sa tête)
La Sophrologie, quant à elle, doit son utilisation précoce dans le cadre de la préparation mentale, à la richesse, l’adaptabilité et l’efficacité de ses méthodes, techniques et principes. Parmi les techniques les plus couramment utilisées on trouve :
• La Sophro Respiration Synchronique (respiration pour se relaxer)
• La Sophronisation de Base (relaxation physique et mentale)
• La Sophro Acceptation Progressive (envisager positivement le futur)
• La Sophro Programmation du Futur (« programmer » positivement une compétition)
• La Sophro Correction sérielle (préparer un long déplacement en avion par exemple)
• La Sophro Présence du Positif (respiration pour se dynamiser positivement)
• La Sophro Substitution Mnésique (gérer la contre-performance par exemple)
• La Sophro Correction Gestuelle (Facilité l’apprentissage d’un geste technique)
• Relaxation Dynamique (relaxation en mouvement)
Comme la préparation physique et technico-tactique, la préparation mentale passe par une période d’évaluation des besoins, d’apprentissage des techniques, d’entraînement, et de mise en application. De plus, la préparation mentale est présente tout au long de la saison sportive, mais elle revêt des formes différentes et utilise des outils spécifiques en fonction des temps d’entrainement ou de compétition. Elle s’intègre aussi bien avant, pendant et après l’épreuve sportive. Elle devient singulière en s’adaptant aux besoins de chaque sportif.
Au regard des principales indications de la préparation mentale, 2 axes d’intervention sont possibles :
• Un axe général (séance en groupe principalement), qui consiste à l’apprentissage ou l’entrainement des habilités mentales de base sans chercher à répondre directement à une problématique compétitive spécifique. On parle alors parfois d’éducation à la préparation mentale ou d’accompagnement mental à l’entrainement. Ces séances peuvent s’effectuer en dehors des séances de sport ou faire partie intégrante de la séance d’entrainement sportif. Leur durée varie de 6 minutes à 30 minutes environ. Elles peuvent, parfois, être animées par un entraineur formé à la préparation mentale et concernent tous les pratiquants sportifs. 1 séance par semaine durant la saison sportive suffit pour cet apprentissage ou cet entrainement mental général.
• Un axe spécifique (séance individuel principalement), qui nécessite l’élaboration d’un programme d’entrainement mental personnel répondant à une demande précise bien souvent directement liée à une problématique compétitive. Dans ce cas, l’intervention d’un préparateur mental est nécessaire. Une séance dure 1 heure environ. Bien souvent, 1 à 3 séances suffisent pour apprendre à se relaxer et récupérer, 3 à 5 séances pour régler un problème de stress et 10 à 12 séances seront nécessaires pour assurer le réel suivi d’un sportif pour une problématique particulière.
La préparation mentale du sportif est souvent un travail d’équipe ! Equipe constituée par le sportif lui-même qui doit adhérer à la démarche et s’investir, parfois de l’entraîneur qui pourra être à l’origine de l’intervention du préparateur mental (pour l’équipe comme pour un sportif) et parfois du médecin qui pourra être à la fois demandeur de l’intervention et une personne ressource lorsque la prise en charge du sportif relèvera davantage du champ thérapeutique que pédagogique.
« Stop, saluez-vous, dans vos coins » annonce l’arbitre.
C’est fini.
Ses épaules se relâchent, il souffle, son visage se décrispe, son cœur bat fort.
Ses supporters l’acclament, il les salue. Son entraîneur lui enlève les gants, « ça va être juste ! ». Il boit une gorgée, la tête lui tourne.
« Au centre, résultat » appelle l’arbitre.
Il se dirige vers le centre du ring, salut à nouveau son adversaire, lui aussi a l’air épuisé, son visage est marqué. L’arbitre saisit leurs poignets, le présentateur annonce son nom, l’arbitre lui lève le bras. Il sourit, la fatigue a disparu, il est heureux.
Il a gagné!
Victor Sebastiao